Un VRAI elfe
Chaque année, les lumières scintillent et éclairent toutes les rues de la capitale.
Ici, décembre est célébré comme nul par ailleurs sur Terre. Tous les matins, tous se pressaient vers la Grande Fabrique Nationale. Peu d’entre eux y allaient de bon cœur, mais pour Tinsel, c’était vraiment le plus beau moment de l’année.
Depuis presque deux mois déjà, chaque elfe de la micronation venait prêter main-forte à la Fabrique pour que la production de jouet soit terminée à temps. S’en suivaient trois jours fériés nationaux pour récompenser chacun du dur travail fourni pendant cette période extraordinaire.
Mais pour Tinsel, la magie de Noël se prolongeait au-delà de ces deux mois. C’était une course de fond qu’il organisait méticuleusement dans le moindre détail aux côtés du Grand Sorcier qui les gouvernait. Pour lui, le servir c’était le plus grand honneur, même s’il savait que bon nombre de ses compatriotes ne partageaient pas sa vision des choses.
Comme tous les matins de novembre et décembre, il alla inspecter les lignes pour s’assurer que tout tournait bien avant d’aller vérifier l’état des stocks après la production nocturne. Il ne restait plus que quelques heures pour tout terminer et avec un peu de chance, tout serait emballé avec un peu d’avance. Déjà, il imaginait son mois de vacances se profiler avant d’entamer les préparatifs pour l’année suivante.
Même si tout le monde avait oublié pourquoi, chaque elfe donnait son temps à la Fabrique à la fin de l’année pour aider le grand sorcier Nickolas à tout confectionner. Pour autant, une ambiance joyeuse régnait généralement aux postes de travail : c’était l’occasion pour beaucoup de se retrouver.
En échange de cette contribution, tous pouvaient exercer le métier qu’il désirait le reste de l’année sans avoir à se soucier de ses dépenses : leurs deux mois à la Fabrique leur garantissaient un logement et assez à manger pour toute l’année suivante.
Tinsel trouvait cet arrangement plus que correct. Pour autant, certains foyers ne voyaient pas cette période comme une occasion magique de partage dans un but commun. Bon nombre n’appréciaient pas d’être forcés à travailler pour tous ces enfants sur Terre qu’ils ne rencontreraient jamais. Certains disaient même qu’uniquement les humains avaient le droit aux jouets de la Fabrique parce que le sorcier appartenait lui aussi à leur espèce.
Pour Tinsel, se balader dans les rues du centre de la capitale et la voir se remplir et s’animer était le plus beau moment de l’année. L’un des seul où toute sa famille se retrouvait systématiquement. Et c’est pourquoi, dès qu’il fut en âge de contribuer, il avait adressé une lettre au grand Nickolas XII pour lui demander s’il pouvait travailler à ses côtés.
Toute sa vie, il avait consacré toute son énergie à cette cause.
Cette tradition se perdait et le grand sorcier peinait de plus en plus à recruter parmi les jeunes elfes qui préféraient utiliser leur temps comme bon leur semblait plutôt que d’œuvrer en ville toute l’année.
Maintenant que Tinsel avait passé tant d’années à son service et était monté progressivement en responsabilité, il connaissait bien le grand sorcier. Et sa gentillesse s’était révélée sans égale, contrairement à tout ce que ses compatriotes pensaient. Le vieil homme ne cessait de répéter que sans lui, la vie ici s’en retrouverait bien différente et qu’à lui seul il maintenait un équilibre fragile permettant toute cette liberté aux elfes.
Aujourd’hui, il comptait bien profiter de la dernière journée de production pour passer un peu de temps avec ses parents avant qu’ils ne repartent dans leur maison de campagne, bien éloignée du centre.
— « On avait dit midi. »
Sa mère fulminait déjà alors qu’il venait tout juste de passer le pas de la porte.
— « Désolé, on a eu un bourrage papier à l’emballage. Mais ça a été vite résolu. »
Le jeune elfe déposa son manteau à l’entrée. Il inspira profondément après avoir jeté un rapide coup d’œil à l’horloge : 12 h 15, il n’était même pas si en retard que ça.
— « Tu nous avais promis de nous consacrer ces deux heures avant que l’on reparte. » continua de se plaindre sa mère.
— « Je sais, désolé. Mais j’ai un travail important, tu sais. »
Il s’approcha et l’embrassa, mais il avait bien aperçu son père lever les yeux au ciel.
— « Mais assez parlé de la Fabrique, on y passe déjà assez de temps comme ça. Quand est-ce que vous repartez à Alta ? »
— « On pensait s’offrir une petite escapade des provinces plus au sud avant de rentrer à la maison. Jusqu’aux premiers rayons du soleil certainement. » répondit son père en s’asseyant avec eux à table.
Alors que les assiettes arrivaient, il ajouta :
— « Et toi, qu’est-ce que tu comptes faire cette année ? »
« Il faut profiter d’eux tant qu’ils sont en ville. » se répéta Tinsel avant de répliquer avec un sourire :
— « Tu sais bien, je vais commencer à préparer l’hiver prochain. »
— « Mais tu pourrais prendre quelques vacances. On a assez de place dans le traineau pour t’emmener avec nous si tu veux. »
— « Papa, j’aime travailler à la Fabrique. Je ne compte pas partir plusieurs mois en voyage. Mais pourquoi pas venir quelques jours.
Ça faisait une éternité qu’il n’avait pas tiré à l’arc. La pratique était compliquée en ville et il avait rarement le temps de s’éloigner assez. Et puis ça n’était pas son loisir favori non plus.
Le regard que ses deux parents échangèrent en disait long sur ce qu’ils pensaient.
— « Tinsel, il n’est pas trop tard pour faire pousser tes cheveux et reprendre le noble art. »
— « Oui. Mais ça n’est pas ce que je veux, et vous le savez. »
— « Dans la famille, les hommes ont une excellente implantation capillaire, regarde comme la chevelure de ton père est encore longue et dense. » insista sa mère.
Il ne s’attendait pas à ce que la question arrive si vite sur la table. La tension montait.
— « Ta dinde est délicieuse, merci. »
N’importe quelle excuse lui permettant de changer de sujet serait la bonne.
— « Regarde ton cousin. Il a appris à manier un arc très tard et pour autant c’est l’un des meilleurs chasseurs de son village. »
Tinsel serra les dents.
— « Est-ce qu’on pourrait parler d’autre chose ? »
— « Tinsel, chéri. On veut juste s’assurer que tu ne te trompes pas de voie. Tant que tu es heureux, ça nous va. »
— « N’importe quoi ! À chaque coup de téléphone, chaque repas, vous ne ratez jamais l’occasion de me faire comprendre ce que vous pensez de mes choix. »
— « En même temps, quelle idée de t’embarquer dans cette « carrière » qui ne te laisse pas un instant à toi ! Au côté de ce magicien, tu n’as plus rien d’un vrai elfe. À croire que c’est son but. »
Tremblant, il se leva et posa sa serviette sur la table.
— « Comme vous ne comprenez toujours pas mes choix, je ne vois pas l’intérêt d’en discuter davantage. On se revoit au retour de votre escapade au sud. »
— « Enfin, ne le prends pas comme ça ! » tenta de le retenir sa mère.
Tinsel enfilait ses gants après avoir fermé son gros manteau pour se préparer un froid mordant qui l’attendait dehors. Mais s’il avait pu, il aurait claqué la porte aussitôt levé de table.
Des chuchotements venaient de la salle à manger et il ne put s’empêcher de les écouter.
— « Ne t’en fais pas, il ne fera pas ça toute sa vie. »
— « Mais imagine s’il ne change pas d’avis ! »
— « Après les évènements de demain sa perspective pourrait basculer, tu sais. Il faut qu’on le laisse se rendre compte seul que le Grand Sorcier des Glaces n’est pas une bonne personne. »
Encore des reproches et des insinuations. Qu’à cela ne tienne. Dans le fond, il n’était pas obligé de les supporter plus que quelques jours par an.
Sans un au revoir, Tinsel repartit à la Fabrique pour reprendre la supervision des derniers détails. Il allait travailler toute la nuit et allait avoir besoin de toute son énergie pour faire en sorte que tout se déroule comme prévu.
Cette nouvelle vous a plus ? Génial, on se retrouve la semaine prochaine pour la suite !
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