Décidé à découvrir si elle en savait plus, j’ai envoyé un message à Galaxia. Mais comment prendre contact avec elle sans trop lui en révéler ? Allait-elle seulement me faire assez confiance pour me dévoiler ce genre d’informations ?
Pire que tout : Était-il déjà trop tard ?
Dans la chaleur de la nuit d’été, j’ai passé plusieurs heures à observer les étoiles via mon télescope, focalisé sur ce point lumineux à me demander ce que j’allais bien pouvoir faire à son sujet.
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Ce soir encore, je regardais le ciel, cette fois sans mon télescope. J’essayais de ne plus m’égarer dans la zone de l’astéroïde, trop inquiète de ce qu’il allait se produire. Non, cet instant devait rester mon moment de détente.
La fraîcheur des nuits de mai m’enveloppait et la brise balayait mes angoisses du travail.
Alors que déjà, je me retrouvais sans le vouloir à observer ce fameux point lumineux, je me suis surprise à réaliser à quel point il m’apportait des sentiments partagés.
D’une part, il représentait l’effroi que nos vies à tous s’arrêtent, la fin du monde tel qu’on le connaissait : une nouvelle grande extinction. Mais à côté de ça… Ma vie n’aurait rien à voir si je n’avais pas découvert ce minuscule point lumineux dans le ciel. L’ambivalence de mes sentiments ne me permettait pas de me réjouir de ce que la météorite m’avait apporté. Je portais trop d’angoisses en moi pour me laisser envahir par ce bonheur.
Tant de choses avaient changé depuis ce jour fou où les services secrets m’avaient enlevée pour m’amener droit à un conseil de défense. Comme si j’étais l’experte la plus qualifiée sur le sujet !
Depuis, j’ai rencontré des personnes qui en savaient bien plus que moi et qui, pourtant, n’avaient pas distingué dans leurs relevés ce mastodonte. Personne n’a compris pourquoi les détecteurs ou d’autres chercheurs n’avaient pas repéré cet astéroïde. Et bien qu’une partie de l’équipe d’astrophysiciens était détachée pour expliquer d’où était venu le problème, une grande partie travaillait d’arrache-pied pour mettre au point un système de défense efficace au cas où notre solution ne suffise pas.
Cette équipe, j’en faisais moi aussi partie depuis cette fameuse matinée. Inutile de préciser que mon arrivée au laboratoire a déclenché des réactions parfois violentes. Aucun d’eux n’avait déterminé s’il pouvait me faire confiance ou non. Et pire, aucun d’eux ne savait encore s’ils se sentaient insultés par ma présence. C’est contre leur égo que j’ai dû le plus lutter.
Être embauchée ici aurait pu être la concrétisation mon plus grand rêve. Mais mon pragmatisme m’avait toujours retenu de l’envisager. Jamais je n’aurais imaginé quelque chose de si… fou.
Alors j’ai pris sur moi et j’ai supposé qu’avec ma joie de vivre et mon travail acharné, ils finiraient par m’apprécier. Ou en tout cas, qu’ils m’accepteraient comme une égale. J’ai rarement été aussi clairvoyante, car je pense que j’ai flatté les égos de chacun plus d’une fois avec mes questions. Il me restait un gouffre de connaissances à rattraper ! Je ne me suis jamais autant investie dans un projet. J’ai étudié des nuits entières des manuels de physique et d’astronomie. Gustavo, l’un des premiers à avoir cru en moi, a lui aussi pris beaucoup de temps pour m’expliquer les bases qui me manquaient afin que je puisse comprendre les tâches que l’on me confiait. Pour que je puisse enfin commencer à me montrer utile, je devais emmagasiner toutes ces connaissances le plus vite possible.
Évidemment, ça n’était pas comme s’ils m’attendaient, moi, Gaëlle. Leur équipe fonctionnait sans écueils avant que je n’arrive. Mon poste là-bas tenait plus du remerciement national pour ma contribution — et c’est bien ce qui rendait mon intégration si complexe —.
Mais qui aurait pu se contenter de ça ? J’avais besoin de ressentir que je pouvais apporter quelque chose d’unique et de prouver que j’avais ma place. Pour moi, hors de question de passer un an ou même ne serait-ce que trois ou quatre mois à assimiler les bases de l’aérospatiale. Si je n’étudiais pas assez vite, je serais à jamais un boulet dans leurs esprits.
Au début, on ne me donnait que les petites tâches ingrates qu’aucun d’eux ne voulait. Finalement, se sont celles qui m’ont le plus permis d’apprendre. En commençant par les relevés simplistes de radiation du Soleil, ils ne risquaient pas de rater une information si je commettais une erreur. Moi, pendant ce temps je m’appropriais toutes ces nouvelles choses.
Je n’arrive pas encore à la cheville des techniciens, je dois maîtriser tant de sujets. Mais je crois bien avoir prouvé que je pouvais me débrouiller et qu’avec un peu de temps, je pourrais les aider. Je ne serais pas celle qui rate les évidences ou bien qui ne rend jamais son rapport à l’heure.
Et puis, maintenant que je les connais un peu, je découvre des collègues prodigieux.
En jetant un dernier coup d’œil à la météorite, je soupirai. Toutes ces contradictions me bouleversaient. Lorsque la Terre serait hors de danger, alors je prendrais le temps de célébrer toutes ces choses incroyables qui me sont tombées dessus si soudainement.
J’ai regardé ma montre en frissonnant. Déjà 4 h du matin. Si je ne dormais pas, c’était parce que je ne trouvais pas le sommeil. Demain était la journée la plus importante de toutes : la sonde était enfin arrivée à destination et à 6 h pile elle tirerait ses bombes pour faire exploser l’astéroïde. Dans seulement deux heures, nous saurons après tout ce temps si nous avons une chance de nous en sortir.
Je sentais l’angoisse grandir en moi. Si ça ne marchait pas, qu’est-ce que j’allais faire ? Est-ce que j’allais vivre les quelques semaines avant l’impact comme si c’était les derniers qui nous restaient ? Ou bien est-ce que je devais garder l’espoir que nous allions réussir ? Je ne voulais plus y penser. J’aurais tout le temps pour ça demain, lorsque nous serons fixés. Pour l’instant… Eh bien, ce qui est sûr c’est que je ne vais pas aller dormir, car je dois arriver au boulot aux aurores. Peut-être bien que je vais simplement me doucher et me préparer. Je relirai mon manuel d’astrophysique de L2 en attendant que les autres me rejoignent.
« Toi non plus tu ne dors pas ? »
Mon téléphone venait de vibrer, c’était Gustavo. Un sourire s’étira faiblement sur mes lèvres. Mes collègues étaient les seuls avec qui je pouvais partager mes inquiétudes. Nous devions absolument protéger ce secret.
Certains jours, c’était vraiment un fardeau. C’est aussi pour ça que l’équipe s’avérait si sympathique : nous savions que nous devions nous serrer les coudes pour garder le moral !
De toute façon, le stress rongeait chacun de mes collègues, j’étais convaincue que je ne serais pas la seule à arriver très en avance.
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Cela faisait bien deux semaines que je guettais sa réponse à mon message. Mais Galaxia se faisait désirer. Je ne voulais pas grand-chose, seulement en apprendre un peu plus et savoir ce qu’elle mettait en œuvre pour éviter le cataclysme.
Une chose était certaine, je ne pouvais pas attendre là les bras croisés. Je m’étais laissé porter ces derniers temps, prétextant attendre un retour. Mais au fond, je savais bien que ça n’était pas vrai. Je jetais un regard vers mon réveil en soupirant : déjà 10 h.
Depuis que j’avais trouvé ce message sur un forum, une partie de moi avait cessé d’avoir si peur et s’était dit « C’est bon, tu as trouvé, tu as fait le plus gros ». Mais c’était archifaux, repérer la catastrophe n’était qu’un grain de sable dans le désert en comparaison de tout ce que je devais mettre en œuvre pour l’arrêter.
Sans grande motivation, j’ai décidé d’abattre ma dernière carte. Quelques minutes plus tard, je sautais dans le métro le plus proche, direction Paris.
Le trajet me paraissait interminable, probablement parce que je savais déjà qu’ils n’allaient pas me laisser entrer. Mais je devais essayer. Je ne pouvais pas abandonner et s’il restait la moindre chance de mon côté, je devais tout entreprendre pour la saisir.
Honnêtement, je m’attendais à quelque chose de bien plus impressionnant que ce bâtiment carrelé. Pourtant, c’était bien là qu’était implantée l’antenne française de l’Agence Spaciale Européenne. Avant d’entrer, j’ai resserré un coup ma cravate et vérifié le badge qui pendait autour de mon coup. Avec toute l’assurance d’un journaliste, je me suis dirigé vers le bureau de l’accueil.
Une charmante jeune femme m’a regardé avec des yeux pétillants :
— « Vous avez rendez-vous ? » me demanda-t-elle de sa voix joviale.
— « Oui, je viens pour la conférence de presse » répondis-je sans hésitation en désignant la carte autour de mon cou.
Ses yeux se plissèrent alors qu’elle objecta :
— « Je suis navrée, monsieur, vous devez faire erreur. Aucune conférence de presse n’est planifiée pour le moment. »
Mince !
– « Oui, je sais » ai-je continué, comme si je n’étais pas déstabilisé « Néanmoins, j’aimerais parler avec l’attaché-presse d’une hypothèse qu’un informateur m’a confiée »
— « Je suis désolée, mais vous devriez prendre rendez-vous pour cela. Il n’accepte pas les journalistes à l’improviste. »
Même si elle restait souriante, je voyais l’agacement poindre dans son regard.
— « Écoutez, je veux seulement m’assurer que l’ESA prend toutes les mesures qu’il nécessaires pour… la météorite. » ai-je terminé en murmurant, pour effet théâtrale.
En l’évoquant, j’espérais deux réactions. La première : la paniqu « Quoi ?! Une météorite nous arrive dessus ? », ou bien la seconde, d’un air complice : « Comment êtes-vous au courant ? »
Dans un cas comme dans l’autre, je pouvais passer à la prochaine étape et me renseigner sur leurs plans.
— « Je ne sais absolument pas de quoi vous parlez. Je vous invite à prendre rendez-vous et revenir une autre fois. Je suis certaine que si le sujet releve d’une telle importance, l’un de nos collaborateurs vous rappellera avec toutes les réponses que vous attendez dans les plus brefs délais. »
Raté, la jeune femme n’avait rien laissé transparaitre lorsque j’avais évoqué la météorite. Son ton devenait de plus en plus sec. Soit elle ne savait rien, soit elle était douée pour préserver les secrets. Quoi qu’il en soit, cela ne m’arrangeait pas.
J’avais maintenant la certitude que je n’aurais aucun rendez-vous et qu’aucune information, quelle qu’elle soit, ne fuiterait.
Comment allais-je pouvoir faire pour m’assurer que le danger était écarté ? Je ne voyais plus rien dans mes cordes. Enfin, bien sûr, j’essayerais de contacter l’attaché-presse. Mais je devinais que jamais je n’obtiendrais une réponse. Et ça n’est pas ma fausse carte de presse qui allait m’aider.
Quoi faire de plus ? Les suggestions fusaient dans mon cerveau alors que je voyais la Seine défiler devant mes yeux au rythme du métro. Je m’étais déjà rendu chez Galaxia. Malgré l’utilisation d’un pseudo, j’avais pu remonter la piste et démasquer son identité. Mais ses parents m’avaient expliqué qu’elle ne vivait plus là-bas depuis quelques mois. Cela n’avait rien d’une coïncidence, son déménagement était connecté à sa découverte. Mais dans quelle mesure ? Est-ce qu’elle essayait d’échapper au gouvernement pour avoir divulgué une information sensible ? Ou bien est-ce qu’au contraire elle les aidait dans la protection de la planète ?
Je ne pourrais sans doute jamais répondre à ces questions. Ma prochaine mission : dénicher quelqu’un capable de calculer la date de l’entrée dans l’atmosphère de la météorite.
Sans cette information, je n’avais aucune idée du temps qu’il me restait pour trouver une solution. Et puis, peut-être que cette personne pourrait me suggérer une proposition pour la détruire ?
Je m’enfonçais dans mon siège en commençant à réfléchir à qui je pourrais contacter. Peut-être qu’un message sur un forum suffirait ? C’était résolument l’étape suivante de mon expédition sur Terre.
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Tous les yeux étaient rivés sur l’écran de la grande salle de réunion. Chaque employé était venu assister à l’atterrissage de la sonde sur l’astéroïde.
Jamais je n’avais senti une telle pression dans une pièce. Il n’y avait pas un mot, pas un murmure. Les visages étaient crispés et tendus. Beaucoup avaient même l’air épuisés, comme moi je suppose.
L’attente avait été interminable, et enfin nous y étions. C’était le jour où nous allions savoir si nous étions sauvés ou si tout s’appuyait sur le plan B. Tant d’incertitudes me rongeaient de l’intérieur, je ne tenais plus en place.
Devant nous, la caméra de la sonde envoyée à des milliers de kilomètres dans l’espace nous retranscrivait chacun de ses mouvements. Elle se rapprochait des coordonnées. Sur les écrans géants, nous apercevions déjà la carrure démentielle d’Hydin. Tout le monde retenait son souffle : avant tout, la sonde devait arriver à se poser sur la bonne face de l’objet céleste. Si elle n’atterrissait pas à la position exacte, alors l’exploser deviendrait bien plus difficile, et si elle ne se nichait pas dans la zone prévue, des débris risquaient de partir en direction de la Terre.
Tous lâchèrent un soupir de soulagement lorsque la sonde se posa sans encombre.
— « Elle n’a pas atterri dans la bonne zone » commenta l’un des spécialistes.
Nous avons tous échangé des regards inquiets. Ce simple écart bouleversait toute la mission et la mettait en péril, nous le savions tous. Devions-nous nous préparer à vivre nos dernières semaines ?
Malgré la gravité de la situation, je ne pouvais pas m’empêcher d’être ébahie devant les images retransmises : ce paysage lunaire que nous étions pourtant les seuls à connaître. Tout semblait si vide, si calme. Et nous, nous venions pour détruire tout cela. Aucun autre choix ne se présentait à nous. Mais pendant quelques instants, toute cette beauté m’absorba. Jamais plus quelqu’un ne pourrait contempler ces reliefs, nous serons les seuls et les derniers à avoir posé les yeux dessus.
— « Nous avons reçu l’ordre de continuer la mission malgré tout »
Le spécialiste en ligne avec les différents états-majors me sortit de ma rêverie.
Une clameur se fit entendre : certains argumentaient que c’était purement et simplement du suicide, car nous ne pourrions jamais contrôler les débris. D’autres discutaient de la possibilité de déplacer la sonde, mais le nombre de kilomètres qui la séparait de la zone prévue dépassait ses capacités. Elle n’avait pas été conçue pour rouler sur de si grandes distances. Non, son seul but était de trouver le secteur le plus profond pour y attendre les instructions de mise à feu. Réaliser une quelconque autre manœuvre risquait de vider ses batteries et de faire échouer la mission.
Mais aucune de ces propositions n’avait d’importance, car personne ici ne détenait le pouvoir de décider de la suite. Nous n’assistions à tout cela qu’en tant que spectateurs. Nous ne pouvions qu’attendre, encore et toujours.
Alors que celui qui opérait la sonde accomplissait les derniers préparatifs avant la déflagration, le calme était revenu. Sur un second écran, à droite du premier, nous observions l’astéroïde de plus loin grâce à un télescope terrestre.
— « Feu ! »
Alors qu’il appuyait sur sa console pour faire détoner la bombe atomique, tous les yeux se rivèrent sur ce second écran. L’explosion m’ébranla : ce caillou plus gros qu’un terrain de foot se brisa en un nuage de poussières et de débris. Il était encore trop tôt pour savoir si nous étions sauvés, de nouvelles analyses de trajectoires seraient réalisées pour estimer si l’un de ces éclats pénètrerait dans notre atmosphère. Et avant ces résultats, nous ne pouvions qu’espérer.
Un homme à côté de moi murmura à sa collègue :
— « En tout cas, on ne peut pas dire que c’est un succès. Ces quelques kilomètres de différence l’ont peut-être rendu d’autant plus dangereux. »
— « Je suis entièrement d’accord. Nous aurions dû abandonner la mission et nous concentrer sur la deuxième sonde. Voilà ce qui arrive quand ce ne sont pas des experts qui prennent les décisions. » acquiesça-t-elle d’un air pincé.
Cette nouvelle vous a plus ? Génial, on se retrouve la semaine prochaine pour la suite !
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