Destiny Calls
« Léonard, on a un incident sur Terre en 2019. Tu dois t’y rendre de toute urgence. » lui dit la voix à l’autre bout du téléphone.
À peine le temps de répondre un bref « okay », l’agent se tenait déjà prêt à partir. Il s’assura que sa montre se trouvait bien à son poignet, puis il sortit du bureau pour aller récupérer son équipement et son briefing de mission dans la salle des lancements.
« Un flux anormal d’énergie ressemblant à un portail temporel. » lit-il pour lui-même à voix haute.
Il soupira. Pourvu que ça ne soit pas une invasion alien, c’était toujours délicat de résoudre ce genre de conflit sans un bain de sang. Dans le doute, il embarqua un traducteur universel dans sa sacoche.
Il régla sa montre sur les coordonnées spatiales exactes. Il fut projeté hors de sa petite pièce blanche jusque dans un pré. Atterrissage parfait, il était arrivé sur ses deux pieds sans même perdre l’équilibre. Les bracelets, c’était vraiment le top de la technologie de transport.
Mais il n’eut pas davantage de temps pour se féliciter de ses compétences puisqu’au loin, il voyait cette immense source d’énergie se déchainer.
Quelques pas lui suffirent pour tirer ses premières conclusions : ça n’était pas extraterrestre puisque les données étaient formelles puisque ça émanait de sous la terre.
« Oh pitié, pas une espèce dormante. On ne s’en sort jamais avec ça. C’est toujours le chaos ! » pensa-t-il continuant à observer la scène de loin.
Il apercevait un homme face à ce jet de lumière. Est-ce que c’était cet homme seul qui déclenchait tout ça ? Non, il n’avait pas l’air assez assuré pour dompter ce genre d’énergie.
Léonard plissa les yeux pour y voir mieux. Lorsque l’éclair bleu prit la forme d’un vieil homme en robe, sa mâchoire se décrocha.
Ça, c’était du jamais vu.
Ce gars n’allait jamais être capable de lutter seul contre ce vieillard maîtrisant une magie si violente.
L’agent de DestinyCorp se rapprocha encore de la scène, décidé à n’intervenir que si cet humain ne réussissait pas à contenir l’évènement.
Contre toute attente, il fit lui aussi appel à une énergie puissante. Et alors que le combat faisait rage entre les deux terriens, l’observateur se demandait si vraiment cet homme frêle allait tenir le choc.
Léonard fut surpris pour la deuxième fois de la journée lorsque le rouquin parvint à lui seul à renvoyer le vieux barbu d’où il venait : sous terre. En revanche, le sauveur gisait en piteux état.
Il avança avec précautions vers l’homme à terre. Peut-être qu’il avait utilisé toute son énergie vitale pour vaincre ce sorcier ? C’était une erreur classique de débutants, on le leur apprenait dès la première heure de formation.
Son cœur battait encore.
Bon, bien que ça ne soit pas inclus dans ses missions, il décida de l’emmener dans l’hôtel le plus proche pour qu’il puisse reprendre des forces. Après tout, il venait de lui éviter de se salir les mains. Et il avait géré la situation d’une main de maître.
L’agent de terrain veilla sur lui jusqu’à ce que la nuit tombe et qu’il reprenne connaissance. À partir de là, il était sauvé et il pouvait bien se débrouiller tout seul !
Sur le point de partir, Léonard jeta un dernier coup d’œil à l’homme étendu sur le lit.
« Bon, je n’ai rien à perdre. » maugréa-t-il pour lui-même.
Il se pencha sur lui et lui posa une carte de visite dans la main.
« Si ça t’intéresse de sauver le monde presque tous les jours, contacte-moi ».
Puis il se dépêcha de rentrer au siège. Il ne s’était déjà que trop attardé après la conclusion de cette mission et il allait devoir le justifier dans son rapport. L’agent hésitait encore à relater toute la vérité ou bien à tirer la couverture à lui-même lorsqu’il raconterait les détails de la résolution.
********
Il s’était écoulé plusieurs mois depuis son voyage en Irlande. Tout ce qui s’était passé là-bas lui semblait si onirique qu’il avait du mal à croire qu’il ne l’avait pas rêvé.
Malgré tout, il gardait bien une preuve que tout ce qu’il avait vécu était bien réel. Dans sa main, il triturait le petit morceau de carton que l’étranger lui avait remis lorsqu’il lui avait sauvé la vie.
« Léonard Anderson.
DestinyCorp
Agent de Terrain »
Le tout suivi du logo de son entreprise et d’un numéro de téléphone.
Qu’est-ce qu’il était venu faire à cet endroit précis ? Est-ce qu’il l’avait trouvé par hasard ? Et pourquoi lui avait-il donné une carte de visite professionnelle ?
Kylian n’arrivait plus à se détacher de ces questions qui lui revenaient sans cesse en tête.
Il devait l’appeler pour essayer d’obtenir un semblant de réponses. Et puis, après tout, il lui avait sauvé la vie, le jeune homme aurait aimé pouvoir le remercier comme il se devait.
Le numéro était précédé d’un indicateur qu’il n’avait jamais vu avant. Pour autant, il s’était exprimé dans un français parfait. Sans réussir à mettre le doigt dessus, une aura de mystère entourait son bienfaiteur.
« Nous vous souhaitons la bienvenue chez DestinyCorp. Dans l’espoir que votre monde continue à rester en pleine santé grâce à notre travail acharné, tapez 1 pour joindre le service réclamation, 2 si vous voulez être mis en relation avec Prophecy&Co, 3 si vous désirez entrer en contact avec l’un de nos agents pour toute autre demande. »
Alors qu’il patientait jusqu’à ce que la musique se termine, Kylian commençait à s’interroger sur sens de tout ce charabia. Avant que son avalanche de questions ne lui tombe dessus, quelqu’un prit la parole :
— « DestinyCorp bonjour » répondit une voix de femme.
— « Je souhaiterais joindre Léonard Anderson. Il est… Agent de terrain, je crois ? »
Kylian sentit l’exaspération lorsqu’elle le chercha sur son ordinateur.
— « Navrée, il n’est pas disponible, il est affecté en 1952. Il vous rappellera dès qu’il sera de retour. » répondit-elle sèchement avant de raccrocher.
Il regarda son téléphone un instant, encore sous le choc de toutes les informations qu’on venait de lui donner. Tout cela n’avait absolument aucun sens. Il avait beau retourner ces déclarations dans sa tête, comment un homme pouvait être en 1952 ? Et qu’est-ce qu’elle faisait, cette entreprise qui « prenait soin de son monde » ?
Kylian froissa la carte et la jeta dans la poubelle la plus proche, abandonnant l’idée même d’y comprendre quoi que ce soit ou de joindre le fameux Léonard. Son sauvetage pouvait bien rester un mystère.
*******
— « Ici Léonard Anderson. Vous avez essayé de m’appeler ? »
Kylian avait tenté de mettre toutes ses interrogations de côté, certain de ne jamais y trouver une réponse. Et voilà que quelques jours plus tard, cet étrange inconnu refaisait surface.
Il balbutia quelques remerciements, ne sachant pas tout à fait comment exprimer sa gratitude.
— « Vous voulez aller boire un café ? Vous avez un moment dans la semaine ? » enchaina-t-il.
— « Ça serait avec plaisir, mais je ne vis pas en Irlande, ça me semble un peu compliqué »
L’homme à l’autre bout du fil explosa de rire.
— « Moi non plus, rassurez-vous. Dites-moi où vous préférez qu’on se retrouve. »
Toute cette histoire devenait de plus en plus étrange. Mais s’il avait une chance de le remercier en personne et de lui montrer sa gratitude alors il allait la saisir.
Et ensuite, il mettrait tout ce non-sens derrière lui. Il reprendrait la vie qu’il avait avant même d’avoir trouvé le cadran chez ses parents.
Cette aventure deviendrait une légende, mais il ne lui arriverait plus rien d’aussi palpitant, c’était certain.
Il arriva au rendez-vous pile à l’heure et un homme assis à une table lui fit signe. Heureusement d’ailleurs, car sinon il n’aurait pas été capable de le reconnaitre.
— « J’aurais voulu encore vous remercier. Mais je ne sais pas comment » commença-t-il avant de commander un chocolat chaud.
— « Oh mais non, il n’y a pas de quoi. Je fais ça tous les jours ! » s’exclama gaiement l’inconnu.
— « Tous les jours ? »
— « Oui, à DestinyCorp c’est un peu notre boulot. Enfin pas de sauver les gars qui tombent dans les champs. » rit-il « Mais c’est de ça que j’aurais voulu vous parler. Moi je pense que vous avez les qualités d’un bon agent, à première vue. »
— « Excusez-moi mais un agent de quoi ? Elle fait quoi votre entreprise ? »
Léonard lui adressa un sourire complice avant de se pencher vers lui pour murmurer :
— « Peu de gens ont le privilège de le savoir, mais notre boulot c’est de protéger les mondes avec qui on a signé un contrat contre tous types de cataclysmes. C’est pour ça que je me suis rendu dans ce bled au milieu de nulle part : on a détecté une source d’énergie anormale et il fallait que je parte enquêter. Mais avant même que je puisse comprendre ce qu’il s’était passé, tu avais tout réglé toi-même ! »
Non. Non, tout cela n’a aucun sens. Des « contrats » ? Et quels cataclysmes ?
— « Je sais que c’est un peu dur à avaler. Mais est-ce que ça t’intéresserait de rejoindre l’entreprise ? Ça a des inconvénients, c’est vrai, mais il y a beaucoup d’avantages aussi. Et puis la manière dont tu as géré l’incident, ça m’a impressionné. Pourtant comme je te l’ai dit, j’en vois tous les jours. »
— « Vous me proposez le même travail que vous ? » demanda Kylian, pas certain d’avoir bien compris.
— « Non, pas tout à fait. Enfin, tu pourrais, bien sûr. Mais si tu préfères, tu pourrais juste être agent de liaison. C’est un peu différent, mais en gros tu dois surveiller ton périmètre à ton époque et s’il se passe quoique ce soit d’anormal, on envoie un gars comme moi pour vérifier et contenir le truc. Notre but c’est d’entrer en jeu avant qu’il ne soit trop tard. Mais bon, dans ces cas-là c’est Prophecy&Co qui intervient et ils réparent les bouts comme ils peuvent. On ne laisse jamais un monde en venir à la destruction. Et puis, au pire on rembobine de quelques jours et tout rentre dans l’ordre. »
La détente avec laquelle il lui partageait toutes ces informations décontenançait Kylian. D’ailleurs, le jeune homme n’essayait même plus de les assimiler. C’était beaucoup trop à la fois.
Même si tout cela criait au danger, une petite voix lui susurrait que vivre des aventures, c’était excitant.
— « Et si ça ne me plait plus ? » s’enquit-il.
Il voulait s’assurer de pouvoir revenir en arrière, peu importe dans quoi il s’embarquait.
— « Oh, bah c’est comme pour n’importe quel job. Il y a un préavis et bon, on ne te fait plus travailler sur grand-chose de tendu pendant cette période parce que ce sont quand même des données confidentielles. Mais tu peux partir à n’importe quel moment, sauf si tu as entamé une mission, c’est un peu plus complexe. Mais je ne vais pas rentrer dans les détails. »
L’inconnu décelait qu’il avait du mal à résister à l’appel d’une proposition si alléchante.
— « Si tu as envie, tu peux venir faire un tour au siège pour voir comment ça se passe. Ça ne t’engage à rien non plus. » ajouta-t-il face au scepticisme du père de famille.
Kylian hocha faiblement la tête. La vie lui avait paru si monotone depuis qu’il était rentré. Certes, un peu de calme lui avait fait du bien. Mais soudain, tout lui semblait si plat.
Léonard lui tendit la main, et à peine l’avait-il saisie qu’ils se retrouvèrent propulsés ailleurs. Ils passèrent une fraction de seconde plongés dans un vortex avant de se poser au sol.
Kylian en avait l’estomac retourné et l’autre homme lui offrit immédiatement la bassine mise à disposition dans la pièce – au cas où pour les incidents de ce type –.
« C’est normal pour ton premier voyage. » le rassura-t-il en lui tapant sur l’épaule.
Après avoir récupéré de ses émotions, il prit un moment pour regarder ce qu’il y avait autour de lui. Ça n’était qu’un petit espace banal avec une table et une chaise sommaire, une douche dans un coin et un lavabo juste à côté.
— « Où sommes-nous ? » finit-il par être capable de souffler.
— « La zone d’atterrissage de DestinyCorp. Tu verras, c’est bien plus impressionnant quand on sera sorti. »
Kylian hocha la tête, ses jambes tremblaient encore et il appréhendait déjà le voyage du retour. Mais pour l’heure, il préférait ne pas y penser — il avait un peu de temps avant de repartir, n’est-ce pas ? — . Il lui fit signe quand il se sentit enfin prêt à marcher, brulant de savoir ce qui se cachait derrière ces portes.
Léonard le guida à travers un dédale de couloirs en lui expliquant que tout cet entrepôt était alloué aux déplacements. Comme ça, chacun avait un lieu spécifique où débarquer et ça évitait les accidents. Et puis pour les nouveaux, ils pouvaient reprendre leurs esprits tranquillement plutôt que d’arriver directement en plein milieu du siège.
Apparemment, il y avait aussi une zone où chaque porte pouvait être programmée pour des coordonnées précises. Mais lui étant un agent sénior il avait le droit à son propre dispositif de transport. On sentait la fierté qu’il en tirait.
Ils franchirent enfin la porte principale et sur la pelouse soigneusement entretenue se dressait un gratte-ciel en verre avec de grosses inscriptions pour que personne n’oublie où ils travaillaient.
— « Ils ont mis leur nom en gros, mais en fait cet immeuble est caché à tous ceux qui ne sont pas entrés dans la zone. Donc les seuls à voir l’immense “DestinyCorp” se sont les employés » lui révéla l’agent alors qu’ils suivaient le chemin pavé qui menait jusqu’à l’entrée.
Le reste de l’après-midi, il lui montra tous les recoins du bâtiment ou presque. Des archives à la salle de commandement, comme il l’appelait – c’était là où l’on décidait d’envoyer un agent en urgence, ou si c’était celui présent sur le terrain qui gèrerait la situation –. Tout ça était fascinant.
Mais ça demeurait le moins impressionnant de tout ce que Kylian avait vu ce jour-là : partout dans les couloirs, les salariés les saluaient. Tous présentaient une caractéristique particulière : des tentacules, une seconde tête, ou bien rien qui ressemblait à un humain.
« C’est donc ça qu’il voulait dire par “les mondes” » pensa Kylian alors qu’il croisait son premier cyclope.
Rien de ce qui s’était passé aujourd’hui n’avait de sens. Mais l’idée même de faire partie de cette organisation immense protégeant sa planète et des dizaines d’autres l’excitait énormément. Il pourrait difficilement trouver un emploi avec plus de signification.
Alors qu’ils étaient assis dans la cafétéria pour grignoter un gâteau, il en profita pour en savoir un peu plus :
— « Maintenant que j’ai vu tout ça. Le travail que tu me proposes consiste en quoi ? Parce que même si c’est vraiment incroyable, j’ai des obligations chez moi. »
— « Si tu préfères rester chez toi, le boulot d’agent de liaison est très simple : tu dois surveiller ce qu’il se passe dans ton périmètre et s’il y a quelque chose d’étrange, tu dois prévenir le siège. Tu devras rencontrer l’agent de terrain envoyé pour enquêter et le briefer avec toutes les informations que tu as. »
— « C’est tout ? »
— « Ah oui, ça n’est pas plus compliqué que ça ! »
— « Et je peux en parler à ma famille ? »
Léonard grimaça.
— « Seulement tes proches. Il ne faut pas que ça s’ébruite. Dans les règles internes on t’autorise trois personnes, mais pas plus. »
Kylian hocha la tête. Cette proposition avait l’air bien trop belle pour être vraie.
— « Mais si un jour le gout de l’aventure te vient, tu pourras évoluer vers un poste d’agent de terrain. »
— « Et j’ai combien de temps pour réfléchir ? Je peux rencontrer quelqu’un qui travaille qui fait ce boulot pour me faire un avis ? »
Léonard hocha la tête. Il parcourut son téléphone quelques minutes avant de lui faire signe de se lever pour se diriger ailleurs.
— « Je t’ai arrangé un rendez-vous avec un agent de liaison de ton époque qui est au siège aujourd’hui. Je suis certain qu’il va achever de te convaincre. » conclut-il avec un sourire en coin.
Il le laissa à l’entrée d’une salle de réunion comme il aurait pu y en avoir dans toutes les grandes entreprises.
En ressortant une bonne demi-heure plus tard, il fut surpris de le retrouver à l’attendre.
— « Alors ? » lui demanda-t-il avec confiance.
Kylian hocha la tête, encore émerveillé de tout ce qu’il venait de découvrir.
Un sourire gigantesque barra le visage de l’autre homme.
— « Bienvenue chez DestinyCorp ! » s’exclama Léonard en lui serrant la main.
Cette nouvelle vous a plus ? Génial, on se retrouve la semaine prochaine pour une nouvelle aventure !
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