Les nuits troublées de la Princesse

Les nuits troublées de la Princesse

       Cette nuit encore, la jeune femme fut tirée de son sommeil par une légère brise tombant sur son épaule. Alors qu’elle s’étirait, elle regarda vers la lucarne de sa chambre. À en croire la lumière extérieure, c’était encore le cœur de la nuit. Pourquoi se réveillait-elle cette nuit aussi puisque la lune brillait haute dans le ciel ?
       Elle se leva pour aller fermer la fenêtre, bien qu’elle n’avait pas souvenir de l’avoir laissée ouverte.

       Quelque chose d’autre la gênait, mais quoi ? La jeune femme se rassit sur son lit et réfléchit à ce qui pouvait bien la déranger . Inconsciemment, elle effleura ses lèvres et les trouva… Humides. Déjà, elles l’étaient bien plus que d’habitude, mais ça n’était pas tout. Mais elles avaient une sensation différente et étrange qu’elle n’arrivait pas à expliquer.
       Il s’était passé la même chose toutes les nuits précédentes, alors un doute énorme s’empara d’elle. Prise de panique, elle alluma une chandelle pour regarder sur son oreiller et son lit si elle trouvait le moindre détail. Mais rien ne semblait confirmer son hypothèse.
       Si elle ne bavait pas dans son sommeil, qu’est-ce qui causait cette sensation ? Et comment cette fenêtre s’était-elle ouverte d’ailleurs ? Elle savait qu’elle veillait à la fermer chaque soir. La princesse en le sentait, il se tramait quelque chose. Peut-être avait-elle oublié ce qu’il s’était passé et s’était rendormi ?

       La jeune femme se leva pour faire les cent pas dans sa chambre, à la lueur de sa chandelle. Ces réveils impromptu concordaient à peu près avec l’arrivée des prétendants au château.
       Mais quel rapport cela pouvait-il donc avoir ? Certes, la compétition entre eux était rude. Tout cela pouvait être une pure coïncidence. Et d’aucuns ne seraient entrés ici la nuit. Elle s’en souviendrait, n’est-ce pas ?
       Ça n’était pas l’angoisse qui la tirait du sommeil, elle le savait. Elle seule jugeait ceux qui étaient assez dignes pour gouverner son pays et emporter son cœur. La princesse savait parfaitement qu’elle n’aurait pas à subir le choix de son père comme cela se faisait parfois dans d’autres contrées.

       « Bien sûr, pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ! » s’exclama-t-elle en s’arrêtant nette. Tout lui semblait limpide. Il n’y avait qu’une seule possibilité.

       Mais comment auraient-ils osé, quel qu’il soit ? Qui se serait-il permis utiliser un filtre d’amnésie sur la femme qu’il tentait de conquérir ?
       Pour résoudre le mystère qui entourait ses réveils pendant la nuit, elle devait découvrir qui se cachait derrière tout cela. En repensant à chacun d’entre eux, aucun n’était assez fourbe pour réaliser ce genre manigance. Mais elle n’avait perçu d’eux que ce qu’ils lui avaient permis de voir. Peut-être devrait-elle demander des investigations approfondies sur chacun de ces prétendants, pour comprendre qui se tenait derrière tout ça.

       Ou bien…

       Elle réfléchit à un plan jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Et alors que le soleil laissait poindre ses premiers rayons et que sa chandelle était consumée depuis un moment, elle avait trouvé comment piéger l’être vil qui lui faisait perdre la mémoire à des fins inconnues. 

 *********

       La journée avait été longue et la jeune princesse n’avait qu’une envie : dormir. Mais si elle voulait découvrir qui venait lui administrer un filtre d’amnésie chaque nuit, elle devait attendre qu’il se montre pour se glisser dans son lit.
       C’était décidé, ce soir, elle allait attraper celui qui lui jouait des tours !

       Ne sachant pas si elle était observée, elle se prépara à se coucher comme à son habitude. Après avoir enfilé ses vêtements de nuit, elle s’installa pour lire quelques pages d’un livre à la chandelle. Le printemps arrivait à sa fin, aucun feu ne brûlait dans sa cheminée cette nuit-là et une fois la bougie éteinte, il n’y avait plus que la faible lueur de la lune pour éclairer sa chambre.
       Discrètement, elle se glissa alors hors de son lit et arrangea ses oreillers de manière à ce qu’une personne entrant par la fenêtre l’imagine couchée, dos à lui. Fière d’elle, la jeune fille se faufila jusqu’à son placard. Elle avait tout prévu : de là, elle pouvait observer la pièce grâce aux décorations ouvragées dans la porte.

       Certaine de capturer son agresseur très vite, l’adrénaline l’avait tenue éveillée un petit moment. Mais bien qu’elle fasse de son mieux pour ne pas sombrer, petit à petit le sommeil la gagnait.
       Les heures défilaient sans que quoi se soit ne bouge. Heureusement, son placard était assez grand pour la chaise sur laquelle elle était assise pendant qu’elle veillait. Malgré tout, plus le temps passait, plus la jeune femme en venait à s’interroger. Et si elle avait rêvé ? Elle se demandait si tout cela n’était pas le fruit de son imagination. Certes, elle se réveillait chaque soir, mais peut-être n’était-ce l’œuvre de personne après tout ?

       La lune commençait à descendre dans le ciel et il n’y avait toujours rien. Était-elle en train de devenir folle ?
       Cette pensée la troubla. Si en effet rien ne se produisait ce soir ou les nuits suivantes, cela voudrait peut-être dire qu’elle avait perdu l’esprit. Mais c’était encore trop tôt pour se soucier de cela. Même si sa confiance vacillait, elle était persuadée que quelqu’un entrerait dans sa chambre, d’une manière ou d’une autre.

       La princesse sursauta d’un coup. Un objet était tombé dans la pièce et l’avait sorti du sommeil léger dans lequel elle avait sombré un peu plus tôt. Apparemment, elle avait arrêté de surveiller son lit pendant quelques minutes… ou bien quelques heures.
       Elle balaya l’endroit du regard à travers les trous de la porte pour découvrir ce qui avait bien pu causer la chute de son porte-chandelle. Elle avait peut-être raté un indice crucial, et elle ne pouvait pas se le permettre.
       C’est là qu’elle remarqua ce qu’elle avait attendu toute la nuit : la fenêtre était ouverte. Mais… Elle n’apercevait rien d’autre. Se pourrait-il qu’elle ait manqué l’intrus ? Si c’était le cas, elle serait très déçue puisqu’il avait dû découvrir son stratagème. Et alors, elle ne pourrait plus le piéger de cette manière.
       Dépitée de ne pas avoir été témoin de quoi que ce soit, la jeune femme sortit discrètement du placard. Par acquit de conscience, elle observa minutieusement chaque recoin, chaque zone un peu dans l’ombre de sa chambre. Rien, il n’y avait rien d’anormal. Pas une trace de pas. Pas une fiole. Pas le moindre indice que le malfaiteur ait laissé derrière lui.
       Elle se pencha dehors dans l’espoir d’apercevoir ne serait-ce qu’une silhouette disparaître dans la nuit. Mais cette fois encore, elle ne vit rien.

       Comment pourrait-elle le démasquer dans ce cas ? La seule solution était de faire intervenir la garde.  Mais, ils étaient si peu discrets qu’elle doutait qu’ils puissent l’attraper un jour. Ils l’effrayeront, c’était certain, mais jamais ils ne mettront la main sur lui. Et peut-être était-ce déjà suffisant ?

       La princesse réfléchissait alors qu’elle se dirigeait vers son lit pour aller dormir. Elle espérait grappiller quelques heures de sommeil avant que l’aube et ses domestiques n’arrivent, mais elle ne pouvait s’empêcher de continuer de méditer sur ces mystérieux événements.
       Alors qu’elle retirait les oreillers qu’elle avait soigneusement organisés plus tôt, elle remarqua quelque chose d’anormal. Loin d’être le précieux indice qu’elle attendait, cela avait très probablement un lien avec tous ces étranges réveils.

       Devant elle, visiblement effrayée, se tenait une petite grenouille. Posée sur son lit, elle ne laissait échapper aucun un bruit et ne bougeait plus d’un pouce. Elle était terrifiée de voir le regard de la princesse fixé sur elle.
       Son agresseur devait donc utiliser un animal pour lui délivrer le filtre d’amnésie dont elle était victime. C’était certain !
       Elle dévisagea la grenouille et un sourire malicieux se dessina sur le visage de la jeune femme alors qu’elle lui fondait dessus aussi vite qu’elle le pouvait. Bien plus vif qu’elle, le batracien sauta hors du lit, cherchant une échappatoire. Décidée à l’attraper, elle lui courut après, mais la grenouille n’avait de cesse de bondir juste avant qu’elle ne puisse la toucher.
       La princesse comprit que même si elle n’était pas si fatiguée, elle n’aurait jamais été assez rapide pour pouvoir la saisir. Mais il était hors de question qu’elle la laisse partir. Cette grenouille était le seul lien qu’elle avait. Comment pouvait-elle faire sans réveiller tout le château ?
       Elle parcourut une nouvelle fois la pièce des yeux, à la recherche de l’instrument qui lui permettait d’arriver à ses fins.
       Mais bien sûr ! Pensa-t-elle alors que son regard s’illuminait.

       Elle attrapa ce dont elle avait besoin et recula dans l’ombre, de manière à ce que l’animal ne puisse plus la voir. Si elle avait un avantage, c’était bien celui de connaitre le terrain comme sa poche.
       La princesse attendit le moment parfait, comme lorsqu’elle chassait. Elle patienta jusqu’à ce que la grenouille arrête de bouger et ne sache plus où se trouvait la jeune femme. Alors que l’animal regarda longuement vers la fenêtre, peut-être pour trouver un moyen de s’échapper, elle se déplaça juste derrière le batracien en quelques pas souples. Avant que la grenouille n’ait le temps de réagir, elle abattit son chapeau pointu sur elle.

       « Oh oui ! » Ne put s’empêcher de s’exclamer la jeune femme dans un cri d’allégresse alors qu’elle avait réussi son coup.

       Jamais elle n’aurait pensé que sa coiffe puisse avoir une quelconque utilité. Personne ne savait pourquoi le protocole exigeait de porter cette affreuse chose conique de plusieurs dizaines de centimètres de long. Soi-disant, l’étoffe qui en sortait rendait plus gracieux le moindre de ses mouvements. Mais pour la princesse, mettre ce château était agaçant et elle ne rêvait que du jour où elle deviendrait reine et n’aurait plus à l’avoir sur la tête.

       Quoi qu’il en soit, elle détenait maintenant un otage. Il ne restait plus qu’à la faire parler afin qu’elle révèle qui l’avait envoyé là dans quel but. Il fallait seulement qu’elle trouve un moyen de la maintenir enfermé le temps que les premiers rayons du soleil traversent sa fenêtre.

       « Comment faire pour la garder en lieu sûr ? » se demanda-t-elle alors qu’elle tenait le chapeau à deux mains pour que les sauts de la grenouille ne le renverse pas.

       Du bout d’une main, elle put atteindre le miroir posé sur sa table de nuit. Elle entreprit délicatement de le faire passer sous sa coiffe pour pouvoir le décoller du sol. La princesse pouvait maintenant déplacer sa cage improvisée à sa guise.

       « Ne t’en fais pas, je ne te veux pas de mal » murmura-t-elle à l’animal pour tenter de le rassurer. « J’ai seulement besoin que tu me dises qui t’envoies. Et après ça, tu seras à nouveau libre, j’en fais la promesse. »

  *********    

       « Une goutte de potion de vérité et, bien entendu, une goutte de préparation de compréhension » dit fièrement le mage en arrosant la grenouille de son mélange. « Avec cela, cet animal pourra vous dire tout ce que vous voudrez ! »

       La princesse était aux anges. Lorsqu’elle avait trouvé l’enchanteur du château en lui racontant qu’elle devait absolument connaitre les dessins de cette grenouille, il avait été amusé par sa démarche et s’était mis sur le champ à concocter sa potion. Le vieil homme n’avait demandé aucune explication. Il avait même pris soin d’enfermer le petit animal dans une cage à sa taille pour qu’elle ne s’échappe pas le temps de préparer la décoction.

       La princesse glissa un doigt entre les barreaux et caressa le dos de la grenouille :

       — « N’aie pas peur. Raconte-moi tout. Qui t’envoie et dans quel but ? » Lui dit-elle en s’abaissant à la hauteur de l’animal.

       — « Je suis désolée Princesse, je n’aurais pas dû. Personne ne m’envoie. » Répondit la grenouille d’une voix timide. Elle s’arrêta nette, surprise de pouvoir parler de langage des humains.

       — « Oh ! Vraiment ? » S’exclama la jeune fille, stupéfaite qu’elle ne soit pas dépêchée par malfaiteur. Elle était peut-être même un peu déçue.

       — « Mais dans ce cas-là que faisais-tu dans ma chambre la nuit ? » reprit la princesse qui ne comprenait pas ce que pouvait lui vouloir cette petite grenouille. Intimement, elle restait persuadée qu’elle avait été envoyée par quelqu’un, d’une manière ou d’une autre.

       — « Je pourrais tout vous expliquer, mais cela risque de prendre du temps » commença le batracien.

       La jeune femme sentait à sa voix sa gêne, comme si elle se sentait un brin honteuse. Elle n’avait pas l’air d’avoir envie de raconter son histoire non plus, mais il le fallait.

       — « Raconte-moi. » répondit-elle d’un ton impérieux alors qu’elle perdait un peu patience. Elle se déplaça dans un endroit reculé du laboratoire du mage, là où elle pourrait parler tranquillement à cet animal. Elle s’assit en posant la cage sur la table devant elle. « Raconte-moi et ensuite je te libérerai »

       — « Je ne demande pas mieux, Princesse. Me promettez-vous de me laisser partir librement si je vous retrace comment je suis arrivé ici ? »

       La jeune femme hocha la tête, elle commençait à s’impatienter. Quelque part, elle serait déçue si elle ne découvrait pas derrière cette histoire un plan machiavélique voué à lui faire du tort. Mais elle voulait surtout comprendre ce qu’il se passait.

       — « Par où débuter ? » murmura l’animal, qui n’avait pas imaginé devoir raconter ce qui l’avait poussé jusque-là. « Tout d’abord, je suis une grenouille tout ce qu’il y a de plus normal. Je viens d’un étang non loin d’ici. Du moins à distance d’humain il n’est pas très loin, mais moi, cela m’a pris de nombreux jours pour arriver au château. Peut-être même un mois entier, je n’en suis pas sûre.
       « Mais ce qu’il faut retenir c’est que j’ai parcouru tous ces lieux pour avoir l’opportunité de vous rencontrer, Princesse. Ce que je vais vous dire par la suite vous semblera peut-être idiot, mais dans mon cœur de grenouille je ne pensais pas à mal et j’étais convaincue de faire ce qu’il y avait de mieux.
       « J’ai bravé de nombreux périls pour me retrouver ici. Tout d’abord, j’ai dû traverser cette forêt dangereuse où j’ai cru mourir déshydratée, jusqu’à ce qu’il pleuve suffisamment pour que des flaques se forment. Puis je suis arrivé en ville. Là, j’ai dû employer tous les stratagèmes possibles afin qu’aucun de vos sujets ne m’aperçoive. J’avais trop peur que l’un d’eux me… mange » finit la grenouille un peu mal à l’aise d’avoir avoué cette crainte.

       La princesse explosa de rire.

       — « Mais voyons, nous ne nous nourrissons pas de grenouilles ! » répondit-elle comme si c’était la chose la plus absurde qu’elle ait jamais entendue.

       — « Dans mon étang, une légende raconte que certains humains consomment nos cuisses. Alors je me suis dit qu’on n’était jamais trop prudent. Je n’avais pas parcouru tout ce chemin pour finir dans une casserole » dit l’animal un peu sur la défensive. Bien qu’elle soit princesse, la grenouille n’aimait pas trop que l’on se moque d’elle de la sorte.

       — « Bien, bien. Mais pourquoi voulais-tu me rencontrer, dans ce cas ? » La jeune femme était amusée par la situation.

       — « Après avoir atteint le château, il me fallait trouver un moyen de vous voir. » continua la grenouille en ignorant sa question. « La tâche fut là encore ardue. Très rapidement, j’ai compris que ma seule option était d’entrer dans votre chambre. Mais j’avais trop peur que l’on me repère, j’étais donc contraint d’agir la nuit. Et la nuit, votre fenêtre était fermée. Dès lors, j’ai dû trouver un moyen de monter tout en haut de votre tour et l’ouvrir. Cela m’a pris quelques essais, mais j’ai finalement découvert la meilleure manière d’y arriver : »

       Alors que l’animal continuait de parler dans un flot soutenu de paroles, ses mots se transformèrent en croassement.

       — « Pouvez-vous encore me comprendre ? » demanda la grenouille, un peu affolée

       Les sons sortant de sa bouche résonnaient bien comme ceux utilisés par les humains. Comment cela se faisait-il alors qu’elle n’ait pas pu terminer sa phrase précédente ?

       — « Oui, absolument. Tu étais en train de m’expliquer de quelle manière tu avais réussi à t’introduire dans ma chambre. Malgré les gardes et la fenêtre fermée. » La princesse était très curieuse d’entendre les subtilités du plan ingénieux de l’animal.

       — « J’ai bien peur que votre langage ne me permette pas détailler assez spécifiquement les sauts et mouvements que j’ai dû employer pour grimper. Je crains de ne pas pouvoir vous révéler les nuances de mes actions. Mais toujours est-il que j’ai bondi sur différentes parties de la tour et j’ai réussi à atteindre votre fenêtre, puis à l’ouvrir. »

       Comme la grenouille avait arrêté de parler, la princesse s’agaça de ne toujours pas connaitre le fin mot de l’histoire malgré cette longue conversation :

       — « Et donc, pourquoi es-tu venue jusque dans ma chambre ? Dans quel but ? »

       — « C’est très gênant de devoir vous expliquer cela à vous… » commença l’animal, mal à l’aise. Le regard de la jeune femme lui suffit à comprendre qu’elle n’avait pas le choix. La grenouille détourna les yeux et reprit :

       — « Il existe dans mon étang une autre très vieille légende. Une légende encore plus ancienne que celle qui raconte que les Hommes nous mangent. Cette légende dit qu’il arrive parfois qu’une grenouille reçoive le baiser d’une princesse. Et alors, des choses incroyables se produisent : à chaque fois, la petite grenouille s’est métamorphosée en homme. » L’animal marqua une pause, elle n’osait pas lever les yeux et fixait à la place le fond de sa cage.
       « Et voyez-vous, j’espérais qu’en embrassant une princesse je pourrais moi aussi devenir humain. C’est mon souhait le plus cher. » dit la grenouille, inspirée par son rêve. Puis, emportée dans son élan elle commença à déblatérer : « Mais lorsque j’ai essayé la première fois, dans votre sommeil, rien ne s’est produit. Et les fois suivantes non plus ! J’ai cru que peut-être la lune n’était pas dans sa position optimale pour que la métamorphose s’opère. Et… Et puis m’avez capturé.
       « Je sais que ce que j’ai fait n’est pas bien. Mais s’il vous plait, laissez-moi rentrer dans mon étang. » conclut la grenouille, l’air penaud et en évitant soigneusement le regard de la jeune femme. Elle était dépitée d’avoir manqué la seule occasion qu’elle avait de réaliser son rêve.

       Comme elle ne réagissait pas, l’animal releva les yeux vers elle et fut surpris par l’expression qu’il déchiffra sur son visage. Elle semblait prête à exploser de rire, mais tentait désespérément de se retenir.

       — « Qu’y a-t-il ? » demanda la grenouille prudemment, soudain inquiète pour son sort.

       — « Et moi qui imaginais que quelqu’un me voulait du mal ! » répondit-elle en laissant échapper son hilarité. Les larmes lui montaient aux yeux tellement elle riait. « La réalité était en fait bien plus innocente, mais il est vrai que je n’aurais jamais pu le découvrir sans que tu ne me racontes toute ton histoire ! »

       Cette histoire était assez incroyable. Mais tout avait enfin du sens. la jeune femme comprenait finalement pourquoi la texture de ses lèvres était poisseuse lorsqu’elle se réveillait. Et puis même si l’idée d’embrasser cet animal la dégoutait, elle était rassurée qu’aucun de ses prétendants ne soit pas derrière tout cela.
       Remarquant que la grenouille attendait une réponse plus claire ce qu’elle avait l’intention de faire d’elle, elle se reprit.

       — « Bien, comme je vois qu’il n’y a pas de mauvais desseins dans tes actes, je ne vais pas te punir. » commença-t-elle alors qu’elle réfléchissait à la suite des événements. « Devenir humain est-il vraiment ce que tu souhaites ? »

       — « O-oui. » répondit la grenouille avec conviction, bien qu’elle ne soit pas tout à fait sûre de ce qui l’attendait.

       — « Eh bien, je vais te donner ce que tu désires dans ce cas. » dit la princesse, assez fière d’elle.

       — « J’ai bien peur que l’un de vos baisers ne puisse pas m’aider, peu importe la manière dont brille la lune. » répliqua la grenouille, dépitée.

       — « Mais quelle horreur, je refuse d’embrasser une grenouille ! » répondit la jeune femme avec une mine dégoutée. « Je réserve mes baisers à mon futur parti. Ce que je te propose plutôt, c’est de te confier à notre puissant mage. Et lui pourra te métamorphoser en humain. »

       La grenouille s’en trouvait bouche bée. Tandis qu’elle cherchait à retrouver ses esprits pour remercier la jeune femme, celle-ci était déjà en train d’interrompre sans ménagement l’enchanteur qui, un peu plus loin, était occupé à réaliser une potion complexe. Bien qu’il n’en dise pas un mot, l’agacement du mage se percevait sur son visage. Malgré tout, la grenouille se trouva immédiatement face à lui alors qu’il récitait une formule si facile qu’elle ne représentait pour lui aucun défi.

       En se relevant difficilement du sol, rien n’était clair. En baissant le regard, elle put réaliser qu’elle avait désormais deux jambes. Puis deux mains, et aussi des cheveux. Alors que des larmes lui montaient aux yeux, une sensation que jusqu’ici elle ne connaissait pas, elle commençait à comprendre que son plus grand rêve était maintenant réalité.
       Elle était enfin devenue humaine.


Cette histoire vous a plus ? Génial, on se retrouve la semaine prochaine pour une nouvelle aventure !

D’ici-là, n’hésitez pas à laisser un commentaire pour me donner votre avis et à partager ce texte à vos amis ou sur les réseaux sociaux.

Et en attendant, inscrivez-vous à la Newsletter pour le rien rater. En prime, vous recevrez ma nouvelle exclusive au format numérique : « Les 3 vœux du génie ». C’est l’histoire d’un génie qui met au défi un humain d’exhausser 3 de ses vœux ! Mais il n’a aucune idée de ce que cet humain lui réserve.

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays. L’auteur ou l’éditeur est seul propriétaire des droits et responsable du contenu de ce site. Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayant droit ou ayant cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.